047 La veuve du lac by Brigade Mondaine-Michel Brice

Auteur:Brigade Mondaine-Michel Brice [Brice, Brigade Mondaine-Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier érotique
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

CHAPITRE IX

Au même instant, à trente kilomètres de là à vol d'oiseau, en plein cœur de ce qui avait été il y a un siècle le village de Passy, un coup de sonnette interrompait en plein élan une scène de réconciliation très « rapprochée ».

La chambre à coucher d'Estelle Sennes, au bout de la ravissante petite maison de la rue Raynouard, transformée en Institut Corporel Cybèle, était plongée dans les ténèbres. Lydia exigeait toujours le noir complet quand elles faisaient l'amour. A cause de cette cicatrice qui avait gâché sa vie.

En plus, ce soir, il y avait eu les larmes de la masseuse, pendant plus d'une heure. Cette nuit était celle de son anniversaire, et elle ne parvenait pas à se faire à l'idée que Chris, son frère, en fût exclu. Estelle avait eu beau lui expliquer que c'était pour leur bien à tous — vu le policier qui commençait à mettre son nez dans leurs affaires — elle n'était pas parvenue à la convaincre.

Par-dessus le marché, Marie, la petite fille d'Estelle, s'était réveillée en hurlant. Le cauchemar enfantin classique d'une gamine de quatre ans. Les deux femmes avaient mis une heure à la calmer. Ça n'avait pas contribué à détendre l'atmosphère. Rien n'est plus cafardeux que vingt-cinq bougies sur un gâteau d'anniversaire quand la reine de la fête a des sanglots dans la gorge.

— On remettra ça quand la police ne s'intéressera plus à nous, lui avait promis Estelle.

Pour le moment, elle sauvait les meubles. Pur réflexe de survie. Il y avait assez de la mort de sa mère, à relents de scandale, elle en était sûre. « Tante Yvonne », comme l'appelaient la plupart de ses amants, rôtissait beaucoup trop le balai pour son âge. Ça devait mal finir, elle le savait depuis toujours.

Ce qui l'intriguait, c'était la croix gammée. Et le message. A moins que son tortionnaire ait voulu ainsi brouiller les pistes.

D'ailleurs, elle n'avait pas le temps d'y penser. Elle fonçait en avant. Comme les animaux quand la forêt brûle.

Dans les secondes qui précédèrent le coup de sonnette, les deux femmes étaient nues dans la pénombre, sur le lit, s'essuyant l'une l'autre tendrement de toute la sueur dont elles ruisselaient. Estelle était tout de même parvenue à faire crier Lydia deux fois.

Elle avait depuis longtemps deviné les sentiments troubles de son amie pour Chris. Elle n'était ni scandalisée ni jalouse. Entre elles, les choses étaient claires : la liberté totale côté mâles. Et une fidélité absolue côté femmes. La nouvelle morale de la nouvelle société.

Quand le coup de sonnette retentit, Lydia se tétanisa.

— C'est Chris ! ne put-elle s'empêcher de s’écrier, déjà heureuse.

Estelle s'était ruée vers le minuscule téléviseur qui marchait jour et nuit, dans le hall de réception, et transmettait — en noir et blanc — l'image de celui ou de celle qui sonnait en haut, à la porte du jardin donnant rue Raynouard.

Elle se pétrifia.

Le policier brun de tout à l'heure. A près de dix heures du soir.

La guerre était déclarée.

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